Paysage pneumatique
Dès l’entrée du Lieu d’Art Contemporain de La Réunion, VML annonce la couleur en réalisant une inquiétante installation, comme s’il voulait dissuader le visiteur de pénétrer dans son univers. On est tout de suite accueilli par une joyeuse concentration d’avertissements colorés et amusants : une potence, une grille de prison et une guillotine surplombent le panneau indicateur incrusté de baignoires-passoires.
Les chiens écrasés
En 1986 Vincent Mengin-Lecreulx réalise une série de tableaux sur la grande éruption du volcan de la Fournaise qui a fini par traverser la route avant de se jeter dans la mer. Ses « Espaces routiers » évoluent car l’artiste remplace progressivement la lave cordée par les trippes de chiens errant, écrasés sur le bitume. Plastiquement c’est assez proche, simplement le rouge fluo de la lave devient un rouge violacé de la viande froide. En 1989, il décide de sortir du cadre restreint de la toile en choisissant de focaliser sur le principal responsable de ces canincides en série : le pneu. Les premiers arbres à pneus apparaissent dans le paysage du LAC en 1989, après le grand cyclone Firingua.
Des pneus à perte de vue
En s’installant à La Réunion, VML, face aux paysages grandioses de l’île, décide de se confronter timidement au monumental. Tel un paysagiste, il se met à planter dans son champ de cannes à sucre, non seulement une végétation tropicale qui deviendra au fil des années luxuriante et exubérante, mais aussi des plantes inventées, endémiques au LAC, telle que l’arbre à pneus et les lianes chaussures. L’hybridation multicolore des 1848 pneumatiques se fond dans les multitudes de nuances de vert, inventant ainsi sa propre interprétation du métissage que La Réunion porte à la boutonnière comme sa plus haute distinction.
Le Sanqueuenitête
Le Sanqueuenitête vient régulièrement s’abreuver dans la baignoire à roulette que VML à spécialement conçu pour naviguer sur le bassin du LAC mais qui aujourd’hui coule des jours heureux sur la terre ferme de la butte de poivriers. Le Sanqueuenitête s’est enfuit d’une histoire vraie qui n’avait de sens que pour ceux qui n’en n’avaient jamais entendu parlée.
L’art contemporain raconté à mon chien
Le grand-père allemand de Vincent avait un chien, précisément un berger allemand, qui répondait au doux nom de Pasco. Depuis, au LAC, tous les chiens qui se sont succédé porte ce nom, sans doute un souvenir d’enfance ou un manque d’imagination. La branche réunionnaise de la dynastie des Pasco a vu le jour en 1980.
Aujourd’hui, VML compte le temps qui passe, non plus en années, mais en chiens, sachant qu’un chien vit en moyenne une dizaine d’années.
1848 pneus, abolition de l’esclavage
Il aura fallu 1848 pneus pour réaliser « Du vent dans les caoutchoucs »
VML, pour occuper son neveu en visite à La Réunion, lui a demandé de compter les pneus de son installation « Du vent dans les caoutchoucs ». Le résultat l’a beaucoup surpris car le chiffre avancé était très exactement de 1848 pneus. 1848 est la date de l’abolition de l’esclavage et 100 après, c’est la naissance de Vincent. A sa demande, Pierrot, le neveu a recompté et retrouvé le même chiffre. Le paysage pneumatique s’étant sur une centaine de mètres et culmine à 6 mètres de hauteur.
Promenade à l’ombre des caoutchoucs en pleurs
Roselyne Mengin se promène volontiers à l’ombre des caoutchoucs en fleur, s’arrêtant souvent devant les nombreuses attractions du lieu qu’elle s’est donné comme mission de partager avec les nombreux écoliers, collégiens et lycéens qui franchissent régulièrement le portail écarlate qui ouvre sur le LAC.
Les caoutchoucs arrivent à Montrouge
Vincent Mengin-Lecreulx honore une très rare invitation à présenter son travail en Métropole en présentant au Salon de Montrouge en 1990 une copie dérisoire de ses étonnants arbres à pneus qu’il développe dans son jardin du LAC à l’île de La Réunion. Il avait poussé la simulation jusqu’à poser une plante artificielle au sommet de l’œuvre pneumatique. Pour des raisons totalement inconnues, les organisateurs de la manifestation lui ont interdit d’installer sa pièce à l’intérieur de Salon. VML a donc planté son arbre patriotique à l’entrée de la Mairie de Montrouge qui accueillait l’exposition collective.
Zoom sur les caoutchoucs
Un petit train de marchandises livre régulièrement au LAC depuis 40 ans tout ce que Vincent a besoin pour poursuivre son interminable construction : cailloux, terre, végétaux et récupérations de toute sorte…
Très traumatisé par la crise dont les médias soulignent la gravité depuis des dizaines d’années, VML est terrorisé à l’idée d’une pénurie de vieux pneus, dont on sait qu’il raffole. Cette dépendance addictive l’a conduit à constituer une réserve importante de vieux caoutchoucs afin de prévoir le manque en cas d’aggravation de la situation. La télévision à l’ancienne, loin des écrans plats, peut au moins servir de piste d’atterrissage aux hélicoptères du LAC. C’est aussi un miroir à facettes qui fabrique des Picasso pour celui qui a la curiosité des se mirer dedans.
La guillotine est déclinée sous plusieurs formes au LAC. Ici Vincent a conçu une improbable outil à décapiter uniquement des personnages fictifs de bandes dessinées qui restent à écrire.Toujours aussi prudent, VML tient à signaler au visiteurs étourdis, qu’il y a un dos d’âne à 200 au dessus de leurs têtes. Vincent cuisine parfois. Il a fabriqué un moule à gâteau de la taille d’un banc afin de pouvoir le reproduire à l’infini. La recette est simple : tapisser le fond du moule avec des carreaux brisés de récupération en prenant soin de tourner la bonne face vers le bas. Même opération pour tapisser les 4 rebords. Puis poser un treillis soudé par dessus les carreaux. Souder 2 jantes de voiture en les disposant symétriquement de façon à équilibrer les espaces. Couler jusqu’au bord un béton bien dosé. Laisser reposer une bonne semaine.
Il ne vous reste plus qu’à retourner l’ensemble pour le poser sur ses jantes. Vous pouvez vous asseoir…
Le tournesol est évidemment un clin d’œil au peintre maudit que tout le monde connaît et reconnaît. Misère…
Un autre petit train s’arrête régulièrement à la gare du LAC chaque semaine. Celui ci ne transport que des voyageurs imaginés et fabriqués par des collégiens il y a une quinzaine d’années. Il roule toujours aujourd’hui…
Du vent dans les caoutchoucs est parsemé de petites chapelles dédiées à la divine trinité adorée sous le nom des Trois petites cochonnes. D’autres versions des 3 grâces jalonnent le jardin du LAC. Ici on aperçoit les divine trinité des délinquante juvéniles qui ont été sévèrement punies. L’une a été pendue, l’autre électrocutée et la troisième jetée en prison. Elles sont gardées par une famille de tigres pétrifiés.
Une trouvaille archéologique a permis à Vincent Mengin-Lecreulx de restaurer ces 5 colonnes à l’identique. Il a minutieusement cherché le noir d’origine, fabriqué sa peinture avec des pigments préhistoriques à base de charbon de bois et recouvert de cette mixture ce témoin chimique de l’ensemble du Vent dans les caoutchoucs. Le voile de chambre à air sera sans doute classé par les futurs historiens de l’art dans le tiroir de l’art éphémère, car il est probable que d’ici une centaine d’année, il aura disparu.