1980 à 2021 : un chantier de plus de 40 ans
1980 est l’année de tous les changements pour Vincent Mengin-Lecreulx. La naissance de sa fille Aurélia, événement marquant, déclenche une succession de bouleversements dans sa vie : le premier voyage à La Réunion d’où sa compagne Roselyne est originaire, le coup de foudre pour l’île où il décide de s’établir pour le reste de sa vie, l’échafaudage d’un plan de maison et un projet de construire en même temps qu’une oeuvre, une vie autour de l’art contemporain. Après avoir acheté un champ de cannes à sucre, il a fallu le sculpter au bulldozer avec des moyens financiers très limités, construire des murs de soutènement un peu partout, ramener une centaine de camions de terre, planter du gazon récupéré dans les ravines et enfin planter les premiers palmiers, cocotiers, jacarandas, bananiers, etc.… Après s’être débarrassé de toutes ses addictions parisiennes, Vincent les a remplacés par une seule : la nécessité de construire. Pendant plus de 40 ans il s’est acharné à bâtir d’abord une maison-atelier, puis une résidence d’artistes et de nombreux ateliers, un musée baptisé « Le Palais aux 7 Portes » en hommage au facteur Cheval dont il se sent une filiation artistique, la Case Mille Masques en duo avec Errô, la Case à outils en complicité avec Christian Jaccard, et à présent, en 2021, l’Ultime Chantier pour construire son dernier atelier.
1981 à 1984 : La Maison-atelier
En franchissant la ligne de l’équateur, toute l’énergie d’autodestruction accumulée depuis 32 ans au plus profond de l’âme de Vincent s’est subitement inversée pour devenir une véritable force de construction. Ça a commencé insidieusement par dessiner les plans et construire une maison atelier pour abriter la famille sur l’île natale de Liline. A cet instant, personne ne pouvait prévoir qu’ils en prenaient pour 40 ans de chantier…
1984 à 1985 : La famille et l’architecture du jardin
Rien n’est plus efficace pour construire une famille que de construire en parallèle un lieu où chacun va prendre sa part. La maison en premier bien sûr pour abriter les Mengin, et le jardin qui va accompagner et encourager leurs efforts pendant des années pour enfin révéler aujourd’hui toute sa générosité luxuriante.
1985 à 1987 : La Résidence d’artistes
Entre temps, Pablo est né en musique et les Mengin décident d’inviter des artistes en résidence chez eux, il faudra donc construire un lieu dédié à cette nouvelle activité. Vincent dessine à nouveau les plans et en profite pour construire une vaste galerie d’exposition qui va pouvoir montrer le travail des artistes de passage dans les meilleures conditions. Ce bâtiment a été inauguré le 4 octobre 1987 par Madame Chirac et Michel Debré.
1987 à 1989 : Le LAC en construction
Et si, au lieu de terrasser, on fabriquait une retenue d’eau, un grand bassin. Cette fois, on est dans la création pur d’inventer un paysage pour de vrai, sans se contenter de simplement le dessiner ou le peindre en le laissant dépérir sur la toile. Un projet exaltant qui finira par inspirer le titre générique de cette aventure artistique singulière, le lac, et plus exactement le LAC, Lieu d’Art Contemporain de La Réunion.
1989 à 1991 : Un terrassement à échelle humaine
Quand les moyens financiers sont limités, il faut alors envisager d’étirer le calendrier de travaux dans le temps. Une interminable et merveilleuse promenade pour s’inventer et construire son propre paysage comme on construit une œuvre.
1996 à 1999 : Le Palais aux 7 Portes
Au cours des années, durant leurs résidences, 28 artistes ont investi les 7 portes du lieu d’accueil, à raison d’un quart de porte chacun. Pour montrer cette collection unique de Portes au public sans déranger les artistes dans leur intimité, Vincent Mengin imagine, dessine et construit un bâtiment autour de ces portes. Il aménage pour chacun une petite pièce muséale dans laquelle les artistes reviendront installer définitivement une œuvre qui témoignera de leur passage à La Réunion. Il va combiner à l’étage un pré haut et une salle de classe pour recevoir les scolaires, un studio de prise de vue et enfin une salle d’exposition. L’inauguration officielle a eu lieu le 11 décembre 1999 en présence du Préfet de La Réunion, Jean Daubigny.
2002 à 2004 : La Case Mille Masques
Lors d’une de ses nombreuses résidences au LAC, l’artiste islandais Errô décide de réaliser un vaste atelier de masques avec 1000 élèves réunionnais. Les Mengin s’investissent à fond dans le projet. Roselyne réalise l’ensemble des ateliers d’arts plastiques pendant 2 ans produisant ainsi les 1000 masques pendant que Vincent réalise 1000 courts métrages sur les portraits d’élèves et leurs masques tout en construisant un petit bâtiment octogonal destiné à recevoir la collection complète : c’est la Case Mille Masques. Quand Errô arrive à La Réunion, tout est prêt pour qu’il démarre son accrochage dans la Case. C’est donc une œuvre commune que signent les deux artistes amis et complices.
2016 : La Case à Outils
Lors de sa dernière résidence d’artiste au LAC, Christian Jaccard réalise une étonnante collection d’outils poétique et demande à Vincent Mengin-Lecreulx de collaborer en construisant une case dédiée à abriter les outils. Là aussi, comme pour la Case Mille Masques, c’est une œuvre commune que signes les deux artistes amis et complices.
Et quelques années plus tard
On élève un jardin comme on élève un gosse, ça demande un engagement et une abnégation de chaque instant. On croit souvent que pour éduquer un gamin, on en prend pour 20 ans, vaste plaisanterie, en réalité c’est bien perpette qu’on écope. Et bien pour le jardin, c’est pareil, sans fin…
2021 : Un ultime chantier, l’atelier de VML
Aujourd’hui la ville arrive comme un énorme camion qui freine à peine pour se coller juste à l’arrière du Lieu d’Art Contemporain de La Réunion. Vincent Mengin-Lecreulx jette un coup d’œil rapide au rétroviseur qui lui confirme que l’urbanisation de l’île est une réalité envahissante. Il décide spontanément de reprendre sa pioche de bâtisseur pour 2 principales raisons : la première est d’ordre de la légitime défense de son droit à l’intimité visuelle et sonore. La deuxième est de l’ordre de la transmission du P7P à l’institution que les Mengin désirent organiser. Il se trouve que le principal atelier de VML est situé sur la terrasse du Palais aux 7 Portes qu’il va donc abandonner au futur projet. Logiquement, il lui faut donc construire un nouvel atelier qui aura l’avantage d’être plus adapté à ses pratiques artistiques actuelles et plus confortable. Cet ultime chantier n’est en fait que l’adaptation de la maison-atelier qui existe déjà aux nouvelles exigences de Vincent.